Les peuples font l’Histoire !
De la guerre à la Paix : un très long et très dur chemin pour l’indépendance
Après le tremblement de terre en septembre 1954 à Orléansville, un nouveau séisme frappe l’Algérie : des attentats dans plusieurs lieux du territoire, le 1er novembre. L’insurrection commence dans l’est du pays.
Benoît Frachon Secrétaire général de la CGT tient un meeting à Oran le 2 novembre avec les dirigeants de l’UGSA-CGT d’Algérie :
« Je suis en Algérie comme Secrétaire général de la CGT, je ne suis pas venu en dirigeant de la classe ouvrière algérienne. Vous avez vous-même, vos dirigeants, vos organisations indépendantes ». Évoquant les revendications, il ajoute : « Je sais que chaque patriote de chaque pays du monde a les mêmes sentiments que moi à l’égard de sa patrie ».
Quelques semaines plus tard se tient le congrès de la Fédération CGT des PTT à Paris. Au nom des trois syndicats d’Algérie, Roland Siméon, Secrétaire du syndicat départemental de Constantine prononce une importante intervention qui fixe l’attention des congressistes, intéressés et émus. Après avoir passé en revue les actions menées en Algérie pour l’aboutissement des revendications, il aborde les douloureux événements dont l’aspect crucial vient d’éclater dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 : « ainsi se trouve brutalement posée pour certains qui voulaient l’ignorer, le problème algérien dans toute son ampleur. L’oppression, la misère, la douleur, la souffrance, les humiliations ont suscité cette explosion de colère pour beaucoup incompréhensible ». L’émotion de l’orateur se communique à tous les congressistes avec des mots qui viennent du cœur mais aussi par la seule et sèche relation des faits réels. Roland Siméon montre comment, dans cette colonie qu’est l’Algérie tout a été fait pour réduire au désespoir une population spoliée de ses meilleures terres, des richesses de son sous-sol, une population qui connaît le chômage endémique. Il explique que la misère des ouvriers agricoles à 300 Fr. par jour, les trusts aux milliards de francs de bénéfice, les bidonvilles lépreux où les enfants sont condamnés à la mort lente.
Tout cela qui condamne un régime et explique bien des choses devant le congrès bouleversé. Siméon donne encore quelques chiffres : pour 10 millions d’habitants seulement 20 000 lits d’hôpital concentré dans les grandes villes, 1629 médecins. 60 % des enfants algériens ne sont pas scolarisés
Photo Siméon Jolly xx (Guerre d’Algérie Voir le volume de l’Histoire de la Fédération CGT des PTT (1945-1981) pages 183-197)
La guerre de plus en plus dure, est devenue totale, depuis les émeutes d’août 1955, avec des grands renforts militaires par l’envoi du contingent. Comment la situation a évolué de 1960 aux Accords de cessez-le-feu en 1962 ?
Après les émeutes du 20 août 1955, c’est un nouveau paysage politique pour le mouvement syndical. C’est l’entrée véritable dans la guerre.
A partir de l’été 1955
Dès l’été 1955 les appelés du contingent seront directement convoyés en Algérie. Des classes seront maintenues d’autres seront rappelées puis elles vont se succéder pour faire jusqu’à 27 mois, jusqu’au cessez-le-feu de mars 1962.
Les autorités leur ont dit vous venez en Algérie pour assurer le maintien de l’ordre et la pacification. En fait on va les obliger à faire le contraire : il faut écraser l’adversaire et détruire leurs lieux de vie Dès les pieds posés en Algérie la misère éclate aux yeux, la colonisation assimilée à une œuvre de développement et tenir cette totalement rouge les populations indigènes.
Les appelés non aucunement été préparés à la situation réelle de l’Algérie. En arrivant sur le sol algérien ils sont systématiquement encadrés par des anciens de l’armée de carrière qui ont pour la plupart fait les guerres d’Indochine ou de Corée, des chefs brutaux. C’est ainsi que beaucoup d’appelés ont vécu le pire, on a voulu les associer à des pratiques barbares de déshumanisation.
A leur retour en France la plupart des appelés resteront marqués à vie de psychoses traumatiques. Ils ont été incapables de parler en rentrant d’Algérie, (ils se sont trouvés, dans la situation des prisonniers des camps d’Algérie de 1939-1943), de ce qu’ils ont vu et vécu. Ils ne peuvent pas parler à leur retour surtout pour ne pas faire de peine à leurs parents et leurs proches.
Très peu d’appelés, souvent à un âge très avancé, ont écrit pour témoigner.
Durant cette guerre ils ont payé un lourd tribut :
Plus de 30 000 morts, 80 000 invalides avec pension, 270 000 blessés et plusieurs centaines de milliers fortement marqués à vie avec des traumatismes psychologiques jamais soignés ! Un total de 2 700 000 appelés à qui on a volé la jeunesse, sont allés sur le territoire algérien confrontés aux horreurs d’une guerre !
Mesures d’exception, internements, expulsions
Dès le début 1955, s’engage la chasse aux nationalistes, et à ceux qui défendent des revendications anticolonialistes, les syndicalistes, les communistes, les chrétiens progressistes, aux européens indépendantistes …
La loi sur l’état d’urgence est proclamée en avril 1955 par Edgar Faure
Cette loi prévoit « l’assignation à résidence de toute personne dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et pour l’ordre public ». Les centres d’hébergement s’ouvrent dès le printemps 1955 Les cinq premiers sont mis en service : Lodi, Berrouaghia, Djorf, Aflou et Bossuet, celui-ci avait déjà servi au gouvernement de Vichy pour enfermer les communistes pendant la seconde guerre mondiale. Il y aura jusqu’à douze camps dont un terriblement inhumain, uniquement pour les musulmans, Paul Cazelles…
La voie de l’arbitraire est ouverte. Les arrestations, les expulsions vont se succéder. Les militants de l’UGSA-CGT sont particulièrement surveillés. Dès lors les actions pour les revendications (manifestations, grèves) peuvent être considérées comme portant atteinte à l’ordre public.
Dans son éditorial de « L’Echo des PTT » de mars avril, Jean Odièvre secrétaire adjoint de la Fédération Postale d’Algérie précise que les postiers en Algérie sont concernés par cette loi « …l’interdiction de réunion, le contrôle de la presse vouent à l’échec toute action syndicale, tout mouvement de grèves … Les travailleurs des PTT et les fonctionnaires ne peuvent rester insensibles à cette menace permanente contre le droit de grève…Ils doivent lutter pour leurs revendications et pour l’abrogation de cette loi d’inspiration fasciste… ».
Les militants de l’UGSA-CGT font preuve de courage pour tenir bon face aux déferlements de haine déversée quotidiennement par les ultras et ne pas tomber dans les provocations.
Le 2 septembre 1955 le PCA et le journal « Alger Républicain » sont interdits.
Plusieurs camarades de l’UGSA-CGT, de la Fédération Postale en Algérie, membres du PCA sont arrêtés, transférés dans les camps ou expulsés, certains rentrent dans la clandestinité.
L’UGSA-CGT qui compte des communistes et des nationalistes dans ses rangs est quasiment démantelé et est menacé de scission. Les nationalistes préparent le lancement d’une nouvelle centrale syndicale. Des syndicalistes membres de l’UGSA-CGT mène au titre du MNA et du FLN des missions auprès de la CISL.
« Le Travailleur Algérien » journal de l’UGSA publie le 8 décembre un appel à sauver l’unité syndicale signée par 17 syndicalistes communistes et nationalistes mêlés, internés au camp d’Aflou. Fin décembre 1955 des responsables syndicaux de l’UGSA-CGT membre du MNA de Messali Hadj crée l’Union Syndicale des Travailleurs Algériens (USTA).
Fin février 1956 de la même manière, des membres de l’UGSA-CGT et du FLN crée l’Union Générale des Travailleurs Algériens (UGTA).
Après le succès de la grève du 5 juillet 1956 la répression va s’abattre sur le mouvement syndical et va rapidement le réduire à la clandestinité totale. Les arrestations de militants des deux organisations se multiplient.
Robert Lacoste nouvellement nommé ministre résident par le gouvernement de Guy Mollet prend les décrets qui vont priver le syndicalisme de toute existence légale. Le 11octobre 1956 les réunions sont interdites, le 27 novembre 1956 un décret prive les élus UGSA de la responsabilité de délégués du personnel et de leurs mandats dans les conseils d’administration et les comités d’entreprise.
L’UGSA-CGT va se dissoudre mais son apport au nouveau syndicat est important, ces militants vont contribuer à créer les structures de l’UGTA.
Les responsables syndicaux de l’UGTA et de l’ex UGSA sont dans les prisons et les camps, cela n’empêchera pas l’UGTA d’appeler à la grève de huit jours fin janvier1957 pour appuyer la position du FLN lors du débat à l’ONU demandant à la France l’ouverture de négociations.
Le 26 janvier 1957 « l’Ouvrier algérien » organe de l’UGTA portant un gros titre sur sa première page : « la grande bataille » (photo). xxx
La veille de la grève 183 permanents syndicaux sont frappés de huit à 15 jours de prison, plusieurs militants assassinés ou disparus. L’UGTA doit à son tour entrer dans la clandestinité.
Le lundi 28 janvier toute l’Algérie est paralysée, magasins fermés, transports en commun inexistants, les ports sont déserts, les entreprises sont vides. Les Algériens se prononcent pour l’indépendance.
À Alger, les paras de la 10e division parachutiste ont quadrillé la ville. Ils occupent les points vitaux, ils chassent les piquets de grève, procèdent à de nouvelles arrestations. Le 4 février la grève nationale est terminée.
Le débat commence aux Nations Unies, le processus d’internationalisation de la cause algérienne, est engagé.
Robert Lacoste s’acharne à anéantir les deux centrales syndicales algériennes, l’UGSA et l’UGTA dont les militants se rejoignent dans les prisons, dans les camps et aussi dans la mort.
En début 1957 une nouvelle stratégie est mise en place la pratique de la terreur de masse, établissement d’un système concentrationnaire à l’échelle de l’Algérie tout entière avec 250 camps de regroupement où sont parqués près de 3 millions d’algériens
Les tenants de l’Algérie française pensent avoir maté la révolution. Dans les maquis malgré l’isolement des forces de l’ALN aux frontières, l’espoir tient bon, le peuple entier malgré de grandes souffrances se lève pour l’indépendance.
Les factieux d’Alger menacent la République et imposent le retour de de Gaulle
Le 13 mai 1958 l’armée laisse les manifestants partisans de l’Algérie française s’emparer du Gouvernement général et proclamer un Comité de salut public
En fin de soirée le Secrétaire général de la CGT, Benoît Frachon fait une déclaration suivante : « Le coup de force militaire d’Alger, la tentative des factieux d’imposer en France un gouvernement autoritaire et anti-républicain constituent une grave menace. La classe ouvrière réagira avec vigueur comme le 12 février 1934. Elle s’unira pour une puissante action qui balaiera les factieux. La CGT n’a jamais cessé de dénoncer les ennemis de la classe ouvrière et de la République, invitant à l’union tous les travailleurs, toutes les organisations syndicales, pour agir avec plus de force… »
Le 15 mai le général de Gaulle répondant à l’appel des factieux, se dit prêt à assumer le pouvoir. Le 2 juin, un vote majoritaire des députés à Paris accorde les pleins pouvoirs à de Gaulle et fait adopter par référendum une nouvelle constitution. La Ve République est née.
Parallèlement, en septembre 1958 le premier Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) reconstitue à Tunis, une commission syndicale extérieure de l’UGTA.
Avec la 5ème République, la guerre va s’intensifier aggravant le fossé entre les deux communautés. Les militants de la Fédération postale CGT algérienne réduit au silence, vivent douloureusement ce qui se passe en Algérie. La Fédération postale CGT en France avec toute la CGT mène un dur combat pour la Paix en Algérie et ses militants payent un lourd tribut. (8 février 1962 massacre de Charonne par le préfet de police de Papon et de Roger Frey ministre de l’Intérieur : 9 tués tous de la CGT dont 2 membres de la Fédération postale Anne Claude Godeau et Jean Pierre Bernard). Beaucoup de souffrances, beaucoup de morts, beaucoup de dépenses humaines et matérielles pour qu’enfin la volonté exprimée par l’appel CGT UGTA de février 1961 se concrétise et pour que la négociation avec le GPRA aboutisse à l’accord de cessez-le-feu 19 mars 62.En Algérie les ultras n’acceptent pas la défaite pendant plusieurs semaines avec l’OAS, ils vont pratiquer la politique de la terre brûlée des centaines d’assassinats, des destructions d’installations vitales, le départ forcé les européens.
En France
Au début de la guerre, la population française ne forme pas un bloc, elle est traversée de courants et elle réagit dans des sens divers. Elle est confusément contre la guerre mais elle croit à l’Algérie française qui lui a été enseigné à l’école. Elle sympathise avec les luttes des Algériens contre les colons mais elle s’indigne des attentats et elle ne comprend pas le combat que mènent les Algériens contre la France. Comment le peuple français riche de traditions démocratiques a pu accepter une telle politique. On a appris à l’école que l’Algérie c’est simplement trois départements français. La présence d’un million de Français d’Algérie semble bien le confirmer. Ce n’est donc pas une colonie ; il ne peut pas y avoir de mouvement national mais seulement un complot, une rébellion. La grande presse, la radio masque la vérité. On cache que la guerre n’est pas faite qu’aux rebelles mais aussi à la population indigène avec les ratissages et les arrestations massives, la destruction des villages par bombardements et saccages délibérés, les incendies de forêt par le napalm, la torture systématique pour arracher des renseignements, les viols, les déplacements et regroupements des populations rurales pour rompre les liens avec l’Armée de Libération Nationale. (En 1960 ce sont plus de 2 millions de personnes arrachées à leurs villages, déplacées, regroupées dans des centres, sorte de camps contrôlés et administrés par l’armée. A la fin de la guerre, on comptera 250 centres de regroupement)
Les Français ne sont pas à l’abri du racisme qui se développe au cours de la guerre et jusque dans les usines. Jusqu’à devenir un obstacle majeur en soutien des Algériens. Elle n’est pas insensible à une propagande massive des autorités, d’une démagogie persévérante menée par le ministre résident Robert Lacoste qui affirme : « … qu’il s’agit d’une poignée de rebelles inspirés par le Caire et Moscou… Si la France quittait l’Algérie un cinquième des usines françaises se verraient contraintes de fermer leurs portes. Un ouvrier Français sur cinq serait réduit au chômage ».
Il faudra la douloureuse expérience de plusieurs années, de longues explications pour que les travailleurs français dans leur masse comprennent où sont leurs véritables intérêts où sont les responsables de la guerre.
La première opposition populaire à la guerre a lieu à l’automne 1955 par une première révolte des ‘’rappelés ‘’qui sera suivie par une seconde au printemps 1956. Il faut de plus en plus de jeunes de 20 ans pour développer la machine de guerre. Les rappelés manifestent leur refus de repartir en Algérie (manifestations dans les casernes, dans les gares) mais ils ne reçoivent que l’appui d’une minorité de la population. L’opposition à la guerre s’est aussi manifestée par les élections de janvier 1956 le Front républicain formé par les partis de gauche mais qui ont refusé tout accord avec le Parti communiste. Guy Mollet secrétaire du parti socialiste qui dans sa campagne électorale a dénoncé « la guerre imbécile est sans issue » est désigné comme premier ministre. Il déclare le 3 janvier 1956 vouloir rétablir la paix, reconnaître la personnalité algérienne.
Trois jours plus tard il est à Alger pour préparer l’installation du général Catroux, nouveau gouverneur général mais ce jour-là, il cède aux ultras et fait nommer Robert Lacoste.
Guy Mollet, Président du Conseil est venu pour s’informer à Alger, il a souhaité rencontrer les responsables de l’UGSA-CGT. Le secrétaire général André Ruiz étant en réunion à la FSM, l’échange a lieu avec son adjoint Lakhdar Kaïdi qui est accompagné de membres du secrétariat général, Driss Oudjina (membre influent de la commission sociale du MTLD) et Jean Odièvre (secrétaire adjoint de l’UGSA-PTT)
Kaïdi : « Si vous désirez véritablement ramener la Paix, si vous voulez comme vous le dites régler le problème algérien, nous ne voyons aucune autre possibilité que d’engager des discussions loyales avec les représentants de ceux qui se battent ! »
Guy Mollet furieux, tape du poing sur la table : « Alors ça par exemple ! Quels représentants ? Les représentants des fellaghas ? …». L’entrevue est immédiatement interrompue.
Kaïdi rédige l’éditorial du journal dans lequel est fait le compte rendu houleux de cette rencontre. Il est immédiatement convoqué chez le juge d’instruction, accusé d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Il décide de prendre le chemin de la clandestinité.
Les militants de la CGT PTT d’Algérie dans la tourmente
1. Avant la guerre d’indépendance
A partir de 1945, la CGT va progressivement devenir majoritairement algérienne et est de fait la maison commune des syndicalistes « européens » et des nationalistes algériens.
En Algérie chaque revendication est une atteinte directe au système colonial.
En 1948 le Gouverneur général et la direction des PTT s’acharne contre les militants de la CGT en utilisant l’anticommunisme pour favoriser le syndicat FO qui a du mal à s’implanter en Algérie.
Au début des années 50 les menaces d’une guerre mondiale atomique et l’implication de la France dans la guerre coloniale d’Indochine font que la Fédération postale en Algérie lie les actions pour les revendications à la défense de la paix.
Du fait de l’intensité de la bataille revendicative dans ce contexte politique, dans ces années 1947/1951 de nombreux militants sont arrêtés, condamnés, expulsés.
La grande grève des PTT en août 1953 sera puissante et la répression sera à la hauteur de l’engagement des militants : 33 camarades sur 60 requis sont arrêtés ; 283 jours de prison dont 73 fermes pour 8 militants et 240 000 Fr. d’amende.
En juin 1954 la CGT se transforme en Union Générale des Syndicats Algériens (UGSA) et la chasse aux militants s’accélère. De nombreux militants seront arrêtés, condamnés, expulsés.
Parmi les premiers cités Marcel Corrivaud, membre du bureau du syndicat de la Fédération postale d’Algérie et directeur du journal L’Echo des PTT candidat du PCA aux élections à Alger, déjà sanctionné, menacé de mort, contraint pour préserver sa vie et celle de sa famille de quitter l’Algérie.
2. Pendant la guerre
Georges Gallinari, Secrétaire du syndicat départemental à Alger qui proteste officiellement contre la décision de Robert Lacoste de supprimer les délégués UGSA-CGT représentants du personnel, est dénoncé par le syndicat FO qui considère UGSA illégale ; il sera arrêté ! il passera par la sinistre villa Susini, puis après un séjour au camp de Lodi, expulsé se retrouvera muté d’office à Brioude (Loire).
André Ruiz Secrétaire général de l’UGSA, membre de la Commission exécutive de la FSM, dirigeant du PCA clandestin depuis 1956 est activement recherché ainsi que sa femme. ( photo). Il a été condamné à 20 ans par contumace pour atteinte à la sûreté de l’État, il sera caché pendant un certain temps par la camarade Solange Nérault (membre du secrétariat du syndicat départemental, élue après la grève de 1953. Elle est aussi la future épouse de Jacques Jouve) .
André Ruiz ne sera arrêté quand 1958.
Solange Nérault sera emprisonnée à son tour soupçonnée d’avoir aidée une collègue algérienne Djamila Bouazza des chèques postaux d’Alger impliquée dans un attentat (explosion bombe « Le Coq Hardi ») ;
Jacques Jouve jeune inspecteur à Constantine qui transporte des fonds fournis par la CGT à Paris, pour les familles des emprisonnés sera arrêté à son retour de France. Il sera interné au camp de Lodi puis révoqué des PTT.
Henri Domenech convoyeur de courrier, militant très actif du PCA et de l’UGSA sera arrêté et expulsé d’Algérie en juin 56. Il repasse en juillet 1957 devant le tribunal militaire d’Oran qui le condamne à 20 ans de prison.
Antoine Raynaud inspecteur principal, responsable des cadres du syndicat régional UGSA-CGT PTT, ayant fourni sa fermette pour entreposer le reliquat d’armes d’Henri Maillot sera, ainsi que ses enfants étudiants, arrêté et interné.
De camarades du syndicat UGSA-CGT PTT subiront le même sort : Fernand Boilat, vieux militant des PTT du Constantinois où il a fait adhérer le jeune Jouve après la grève de 1953 ( Boilat a d’abord été enfermé à Barberousse, compagnon de cellule d’Henri Alleg où il va l’aider à rédiger « La Question » avant d’être enfermé au camp de Lodi).
Albert Thuriez trésorier du syndicat des PTT d’Alger, Voirin, secrétaire adjoint syndicat des PTT d’Alger, Jean Odièvre, secrétaire régional du syndicat des PTT d’Alger et trésorier de l’UGSA, d’autres membres responsables de l’UGSA-CGT PTT, Thouy, Adjedj, etc...
Roland Siméon inspecteur à la poste, secrétaire régional de Constantine de l’UGSA-CGT PTT passé dans la clandestinité et militant du PCA, est à ce titre membre actif des Combattants de la liberté (CDL) intégré dans le maquis du Constantinois. Roland Siméon officier de l’ALN, mourra assassiné avec plusieurs de ses camarades (Georges Raffini, le Docteur Counillon, le bâtonnier Laïd Lamrani).
Georges Vercoutre, chef du centre de transmission de Bône (Annaba) militant de la CGT, qui a joué un rôle essentiel pour rétablir les liaisons téléphoniques hertziennes avec la France lors du putsch, sera menacé de mort à plusieurs reprises par l’OAS. Les autorités d’Alger vont le contraindre à quitter l’Algérie. Lors de son embarquement à Alger, il échappe à l’attentat préparé à l’hôtel, par l’OAS, qui a aussi plastiqué le container de son déménagement
Des dizaines d’autres militants de l’UGSA CGT PTT seront sous des formes diverses, victimes de la répression…
…
Robert Lacoste a rempli son objectif, en emprisonnant tous les militants, il a supprimé toute activité syndicale de l’UGSA CGT.
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Pouvoirs spéciaux
Le 12 mars le Parlement vote des pouvoirs spéciaux au gouvernement dans un texte équivoque insinuant qu’il s’agit de mener avec plus de détermination sa politique de paix en se donnant davantage de moyens militaires. Les élus communistes ne veulent pas prendre la responsabilité de faire échec aux intentions de paix, ils votent les « pouvoirs spéciaux ». Ils espèrent encore pouvoir infléchir la politique des socialistes au gouvernement. On sait qu’il n’en fut rien et que la guerre s’accentua sur le terrain s’affirmant comme une guerre de reconquête de type colonial.
De l’automne 1956 à la mi-année 1957 a lieu ce qu’on a appelé « la bataille d’Alger », où la torture prit l’allure d’un travail à la chaîne (voir les cas Henri Alleg, Maurice Audin). Durant cette période, la terreur est un moyen pour gouverner. Il fut procédé à Alger à 24 000 arrestations officielles, 3000 disparitions sont recensées, les Français libéraux qui protestent sont expulsés. On peut tenir pour vrai que le Général Massu, par ce terrorisme de masse, a gagné la bataille d’Alger militairement mais il a surtout perdu politiquement. Les exactions ont définitivement rallié les couches algériennes encore hésitantes au FLN qui devient le seul espoir pour tous les Algériens.
Actions massives des populations en Algérie
L’oppression des populations algériennes depuis le début de la guerre (villages rasés au napalm, massacres, tortures…) est telle que cela crée une accumulation explosive des forces de libération. Les opérations des maquisards ont atteint un haut niveau de résistance, mettant en échec les puissantes forces de l’armée coloniale jusqu’à contraindre celle-ci au bouclage des frontières est et ouest par les barrages électrifiés, pour bloquer les forces de l’Armée de Libération Nationale en Tunisie et au Maroc.
A partir de 1960 ce sont les populations des villes qui entrent massivement en action et manifestent ouvertement leur volonté d’indépendance. La très dure bataille d’Alger en 1957 a poussé les citadins à s’engager. En 1962 les forces algériennes sont infiniment plus puissantes qu’en 1954.
Actions des appelés
En avril 1961 les soldats français du contingent s’opposent massivement avec succès au putsch de caractère fasciste qui ambitionnait de bloquer toute issue. Ils n’en peuvent plus de participer à cette « pacification » qui est en fait une guerre terrible contre un peuple démuni de tout, écrasé par la surexploitation coloniale, déculturé, victime d’un racisme exacerbé par la violence. Dans certains secteurs ils sont témoins d’une forme d’extermination de type Oradour ! (Livre de Claude Vinci « Les Portes de Fer »). Les nombreux actes de torture, les exécutions sommaires, les viols, les révulsent. Les appelés ne sont pas des mercenaires mais des conscrits de la République.
Les Français d’Algérie.
Ils se sentent différents des Français de France. Ils aiment passionnément leur pays d’Algérie, nombres d’entre eux se sentent, se veulent algériens. Une minorité importante accepte le principe d’une République algérienne.
Dans la guerre, la crainte d’être jetés à la mer, de perdre une situation, la peur des attentats, la peur de l’inconnu, ils sont une proie facile pour les ultras et les terroristes de l’OAS
Depuis des décennies une partie d’entre se sont engagés dans la CGT, prirent fait et cause pour la patrie algérienne et la lutte nationale. Certains d’entre eux ont subi la prison ? la torture et même la mort pour cette.
De même on ne peut oublier qu’une petite minorité de chrétiens, dont des prêtres se rangèrent en raison de leur foi aux côtés du mouvement national où ils défendirent le respect des droits humains. Nombres d’entre eux furent internés, emprisonnés, expulsés ou durent abandonner leur poste.
Tous ces Français d’Algérie aux sentiments mêlés, contrastés, porteur d’un patriotisme algérien incertain et souvent dénaturé faussé par le racisme qui les a poussés parfois aux pires excès ont été d’un bout à l’autre objet d’un drame d’une terrible épreuve qui les a arrachés eux-mêmes à leur vie à leurs racines. Ils ont conscience d’avoir été trompés, bernés. Certains disent « sacrifiés pour le pétrole !
Les Français qui les accueillirent en 1962 n’ont pas toujours compris la profondeur de leur drame et les raisons humaines de la révolte.
La CGT s’est empressée de tout faire pour faciliter leur intégration sur les lieux de travail en métropole.
(Texte journal Fd xxx
L’échec de la politique de force
Trois grands groupes de raisons :
1 En Algérie, l’entrée massive à partir de 1960, des populations citadines dans les actions pour l’Indépendance. A partir d’avril 1961 l’opposition des soldats du contingent contre les officiers pro-Algérie française.
2 En France, l’évolution de l’opinion publique qui se retourne en faveur de la Paix. Des socialistes rejoignent les forces anticolonialistes et forment le PSA et le PSU. Les travailleurs, les démocrates élargissent leurs actions contre la guerre : pétitions, réunions, arrêts de travail, manifestations …
3 Avec l’accès à l’indépendance de nombreux pays colonisés, l’opinion internationale évolue rapidement. A l’ONU, une résolution afro-asiatique reconnaissant le droit à l’autodétermination des Algériens est votée. C’est une condamnation de la guerre faite par la France à l’Algérie.
Déroulement des négociations
Chronologie succincte 1959-1962
16 septembre 1959. De Gaulle lance l’idée d’autodétermination une fois terminée la ‘pacification’, le GPRA demande des garanties
24 janvier 1960 Semaine des barricades à Alger
1er février en France 13 millions de travailleurs en grève contre les factieux
13 février 1960 explosion à Reggane ( Sahara) de la première bombe atomique française
19 février appel de Ferrat Abbas aux Européens d’Algérie pour édifier ensemble la République
3 mars 1960 nouvelle tournée des popotes par De Gaulle : « l’Algérie algérienne »
11 avril le congrès de l’UNEF se prononce pour des négociations avec le FLN
23 avril nombreux attentats FLN en France.
2 juin : 53 mouvements de jeunesse en France pour la paix en Algérie
9 juin l’UNEF et l’UGEMA demande des négociations sur l’autodétermination
10 juin Le colonel Si Salah et d’autres responsables de la wilaya 4 (Algérois) reçus secrètement à l’Élysée
20 juin le GPRA accepte d’envoyer des délégués à Paris
Durant le mois de juin les autorités françaises procèdent à de nombreuses exécutions capitales de prisonniers algériens
25 juin échec des pourparlers de Melun (France FLN)
30 juin texte commun CGT, CFTC, FEN, UNEF, en faveur de négociations
5 juillet discours de Ferrat Abbas consacrant la rupture des contacts avec la France
31 juillet recrudescence des actions armées du FLN sur plusieurs points du territoire algérien
6 septembre « déclaration des 121 sur le droit à l’insoumission »
21 septembre l’ONU admet 13 Etats africains francophones nouvellement indépendants
25 septembre une délégation du GPRA est reçu officiellement à Moscou puis à Pékin
22 octobre rafles monstres d’Algériens à Paris
27 octobre : Journée pour la Paix en Algérie- Manifestations et nombreux débrayages dans toute la France,
4 novembre De Gaulle : « Une République Algérienne existera un jour » (mais celle qu’il souhaite, c’est une Algérie totalement soumise à la France)
11 novembre Violentes manifestations organisées par les ultras à Alger et à Oran
8 décembre à Paris 1400 délégués du Conseil de la Paix demandent l’ouverture de discussions avec le GPRA
9/ 13 décembre Voyage de De Gaulle en Algérie
Des émeutes sont déclenchées par les ultras à Alger et Oran.
Par centaines de milliers, riposte des Algériens qui manifestent pour l’indépendance et affirment leur soutien aux GPRA
6 janvier Rencontre Joxe avec des responsables algériens à la frontière franco-italienne
Février : Activités terroristes de groupes ultras qui vont devenir l’OAS
17 février rencontre à Genève des syndicats algériens avec les syndicats français
30 mars Accord du GPRA pour l’ouverture des pourparlers d’Évian, mais rupture le 6 avril lorsque Joxe parle d’inviter les autres tendances. Le jour même de l’annonce de pourparlers à Évian le maire est assassiné par l’OAS
Mars/Avril l’OAS multiplie les attentats en Algérie et en France
21 au 25 avril à Alger putsch des généraux Challe, Jouhaud, Zeller et Salan.
Le 24 avril grève générale d’une heure dans toute la France suivie par 12 millions de travailleurs contre le putsch et pour la négociation
8 mai l’idée d’un partage de l’Algérie est évoquée par De Gaulle
20 mai /13 juin première conférence France/FLN à Évian
Du 1er au 5 juillet Grèves lancée par UGTA en clandestinité, manifestations dans toutes les grandes villes d’Algérie
20 au 27 juillet pourparlers France/FLN à Lugrin
Juillet/ août recrudescence des attentats OAS en Algérie (1072 plasticages depuis avril )
Le GPRA en août confirme : pas de concession sur le Sahara, exigence de garanties
Le 5 septembre De Gaulle accepte le Sahara algérien, recrudescence des attentats OAS en France
6 octobre couvre-feu à partir de 20 heures à Paris pour les Algériens
17 octobre manifestation de masse des Algériens à Paris à l’heure du couvre-feu répression sanglante, des milliers d’arrestation, des centaines d’Algériens jetés à La Seine
Malgré la répression, le FLN le 18 et le 20 octobre fait de nouvelles démonstrations à Paris.
1er novembre, en Algérie des manifestations importantes pour le 7ème anniversaire de l’insurrection
6 décembre à Paris et en province manifestations anti OAS à l’appel du PCF, de la CGT et du PSU
19 décembre CGT CFTC UNEF organise une journée nationale contre l’OAS et pour la négociation (malgré l’interdiction)
20 décembre l’ONU demande l’ouverture de négociations France/GPRA.
17 et 24 janvier 1962 : 18 et 13 plastiquages OAS à Paris
5 février De Gaulle annonce l’Algérie sera un État souverain et indépendant
8 février ; à Paris malgré l’interdiction manifestation anti OAS à l’appel des syndicats 9 morts tous CGT dont 2 PTT au métro Charonne
10 février ouverture de conversation entre GPRA et la France aux Rousses (Jura)
13 février Les obsèques des morts de Charonne sont suivis par des centaines de milliers de Parisiens
4 mars 125 attentats au plastic à Alger, OAS a déclenché l’opération Rock n’Roll.
7/18 mars 2ème conférence d’Evian
10 mars voiture piégée par l’OAS contre le congrès national du Mouvement de la Paix à Issy-les-Moulineaux
12 mars grève anti OAS ½ heure à l’appel des syndicats
18 mars accord France GPRA
Libération de Ben Bella et des dirigeants du FLN
19 mars cessez-le-feu en Algérie
29 mars exécutif provisoire présidé par Abderrahmane Farès
8 avril référendum en France, les accords d’Evian sont approuvés (17,5 millions de oui, contre de 8,5 millions de non)
20 avril arrestation de Salan
Mai : L’OAS déclenche en Algérie l’opération de la terre brûlée : au port d’Alger 62 morts parmi les dockers
17 juin Pour mettre fin aux attentats accords locaux FLN avec l’OAS, qui seront remis en cause par le GPRA
1er juillet référendum d’autodétermination en Algérie : l’indépendance est approuvée par 99,72 %
3 juillet : Indépendance de l’Algérie
5 juillet : Fêtes de l’Indépendance
8 octobre L’Algérie devient membre des Nations unies.
Déclaration générale des deux délégations (18 mars 1962)
Le peuple français a, par le référendum du 8 janvier 1961, reconnu aux Algériens le droit de choisir, par voie d’une consultation au suffrage direct et universel, leur destin politique par rapport à la République française.
Les pourparlers qui ont eu lieu à Évian du 7 au 18 mars 1962 entre le gouvernement de la République et le FLN (côté algérien on écrit GPRA, mais celui-ci est toujours nié côté français) ont abouti à la conclusion suivante :
Un cessez-le-feu est conclu. Il sera mis fin aux opérations militaires et à la lutte armée sur l’ensemble du territoire algérien le 19 mars.
Les garanties relatives à la mise en œuvre de l’autodétermination et l’organisation des pouvoirs publics en Algérie pendant la période transitoire ont été définies d’un commun accord.
La formation à l’issue de l’autodétermination d’un État indépendant et souverain paraissant conforme aux réalités algériennes et, dans ces conditions, la coopération de la France et de l’Algérie répondant aux intérêts des deux pays, le gouvernement de la France français estime avec le FLN que la solution de l’indépendance de l’Algérie en coopération avec la France est celle qui correspond à cette situation. Le gouvernement et le FLN ont donc défini d’un commun accord cette solution dans des déclarations qui seront soumises à l’approbation des électeurs lors du scrutin d’autodétermination
1/de l’organisation des pouvoirs publics pendant la période transitoire et des garanties de l’autodétermination
2/de l’indépendance et de la coopération
3/du règlement des questions militaires
4/du règlement des litiges
5/des conséquences de l’autodétermination.
Il y a eu trois gouvernements provisoires de la République Algérienne
Premier GPRA 19 septembre 58. Deuxième GPRA constitué à l’issue de la session du CNRA tenue à Tripoli 16 décembre 1959 18 janvier 1960. Troisième GPRA constitué à l’issue de la session du CNRA tenue à Tripoli du 9 au 27 août 1961. C’est ce gouvernement qui conclura les Accords d’Évian.
ALGERIE INDEPENDANTE
La reprise économique
La nouvelle Algérie indépendante a dans l’immédiat à gérer une situation concrète laissée par le départ massif des Européens, les destructions de l’OAS, l’abandon de quasiment tous les secteurs, administratif, économique et social qui étaient entre les mains de l’Administration coloniale. Les Les terres, les fermes, les domaines mais aussi les entreprises sont abandonnées. La tâche qui se pose comme priorité absolue est d’éviter la paralysie du pays et de faire tourner avec les moyens du bord l’administration et l’économie. Cela c’est l’œuvre des travailleurs de ces secteurs, de ses entreprises.
Le 17 juin 1962, la Commission exécutive nationale de l’UGTA, rapidement reconstituée se penche sur les problèmes liés à la situation économique et sociale et sur les mesures à prendre pour combattre l’asphyxie totale.
Le 20 juin, l’UGTA lance un appel solennel à la reprise du travail et à la remise en route de l’économie.
Aux PTT des militants de l’ex UGSA CGT sont reconnus par les nouvelles autorités algériennes pour prendre des responsabilités : Antoine Raynaud est nommé à la Direction centrale, André Jolly au Central téléphonique interurbain d’Alger, André Ruiz devient adjoint du Directeur régional d’Alger, Georges Gallinari responsable des installations, René Moreau des équipes centrales, Henri Domenech, Bureau Alger-gare etc.
L’application des Accords d’Évian permet de mettre en route la coopération technique et culturelle.
Macron et la rue d'Isly
https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20220127-geste-m%C3%A9moriel-envers-les-pieds-noirs-il-faut-revenir-%C3%A0-l-origine-de-ces-souffrances
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